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New York: la plus grande ville juive du monde peut-elle élire maire Zohran Mamdani?

La chronique géopolitique de Richard Prasquier


New York: la plus grande ville juive du monde peut-elle élire maire Zohran Mamdani?
Alexandria Ocasio-Cortez et Zohran Kwame Mamdani, New York, 8 juin 2025 © Europa Newswire/Shutterstock/SIPA

L’ultra-progressiste Zohran Mamdani est loin d’être uniquement cet opposant « radical » à Trump que nous présente la bonne presse…


Les résultats du vote à la primaire démocrate pour la Mairie de New York ont été connus 48h à peine après un bombardement américain sur l’Iran qui laissait peu de place médiatique à la victoire d’un inconnu à une élection municipale qui ne se tiendrait que six mois plus tard, victoire qui ne fut d’ailleurs officielle que le 1er juillet. Ce délai s’explique par le système de vote utilisé, vote à choix classés dans lequel les voix sont redistribuées en fonction du classement des candidats par chaque électeur. On aboutit à un résultat qui compare les deux candidats les mieux placés, les autres ayant disparu dans les décomptes successifs. Donc Zohran Mamdani, 33 ans, a gagné par 56% des voix contre 44% à Andrew Cuomo, ex-gouverneur de l’État de New York.

Ce système électoral, qui a été étrenné avec succès à New York, mais qui est déjà utilisé en Australie, en Irlande et dans l’État du Maine favorise les candidats les plus consensuels aux dépens de ceux qui sont plus clivants. Ne rêvez pas, il n’est pas près de s’appliquer en France. Est-ce à dire que Zohran Mamdani est un candidat modéré ?

Ennemi virulent d’Israël

Un ennemi virulent d’Israël, disent la plupart des organisations sionistes. Cela signifiait pour moi que New York, la plus grande ville juive du monde, même si le nombre de Juifs, un million environ, y est bien plus réduit qu’il y a cinquante ans, risque d’élire en novembre  un maire antisémite. À des amis New-Yorkais: j’ai demandé comment cela était possible… et leur réponse m’a sidéré…

Ils soutiennent Zohran Mamdani, jeune, intègre et expérimenté. Il défend la justice sociale, les travailleurs étrangers, arbitrairement pourchassés par la police d’immigration de Trump alors qu’ils travaillent et paient leurs impôts, mais qu’ils n’ont pas de permis de séjour à cause des dysfonctionnements administratifs. M. Mamdani réclame plus de crèches, des allocations pour les plus pauvres, un gel des loyers et plus d’inclusion pour les minorités. Et puis, il l’a dit et redit, il n’est absolument pas antisémite…

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Je précise que mes amis sont des Juifs orthodoxes très liés à Israël, que l’épouse a longtemps travaillé dans une grande organisation sioniste et qu’ils habitent West End Manhattan, un des quartiers les plus huppés des États-Unis. 

Alors j’ai essayé d’en savoir un peu plus sur Zahran Mamdani.

Sa mère, Mira Nair, est une célèbre cinéaste indo-américaine. Son père, musulman d’origine indienne, éduqué en Ouganda, est aujourd’hui un des critiques de l’impérialisme les plus influents du monde anglophone. Il est titulaire à Columbia de la chaire de Sciences politiques Herbert Lehman, nommée d’après un homme politique du New Deal, philanthrope juif et sioniste convaincu. Le moins qu’on puisse dire est qu’il n’en est pas de même de Mahmoud Mamdani, qui s’est révélé depuis le 7-Octobre un opposant d’Israël parmi les plus virulents du campus.

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Ses livres, dont ses partisans disent que certains sont des chefs d’œuvre, reposent sur la thèse que la violence n’est pas culturellement liée à l’islam mais qu’elle provient des choix effectués par les puissances impérialistes dans un désir de domination. Ce sont elles qui dans un but anti-soviétique ont favorisé  en Afghanistan l’islam religieux, elles qui ont fait naitre un Etat juif fondé sur une identité ethno-religieuse, elles aussi qui avaient créé au Rwanda des identités hutu et tutsi artificielles dont le résultat fut un génocide. Mahmoud Mamdani prétend que toute violence est politique et doit être contextualisée. Il plaide en Palestine pour un état non identitaire, post national et post ethnique où Juifs et musulmans se mélangeraient sans accroc. En somme une laïcité à la française de rêve…

Mahmoud Mamdani façonne ses thèses sur ces postulats préétablis, refuse toute culpabilité qui ne serait pas impérialiste, oublie l’expulsion des Juifs du monde arabe comme la charte du Hamas et prône un futur idyllique qui ne pourrait se transformer qu’en cauchemar pour une minorité juive. 

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Son fils reconnait à Israël le droit à exister, mais si on l’interroge mieux, on voit qu’il voudrait que chacun y ait des droits égaux, que l’apartheid qu’il dit exister actuellement disparaisse et que les Palestiniens bénéficient du droit au retour. Le 8 octobre, il a regretté les morts des deux côtés, n’a pas cité le Hamas et a fait porter la responsabilité sur l’occupation israélienne. Inutile d’ajouter que l’existence d’un génocide à Gaza est pour lui une évidence. Il a demandé à mondialiser l’intifada et a répondu aux critiques que intifada, c’est aussi le terme par lequel on traduit en arabe l’insurrection du ghetto de Varsovie, donc un terme indiscutablement honorable. En somme, sous un couvercle universaliste une garantie de destruction d’Israël.

Comme étudiant il avait été au premier rang des manifestations de BDS et de Students for Justice in Palestine. Il accuse aujourd’hui Netanyahu d’être un criminel de guerre génocidaire. Il réserve d’ailleurs les mêmes qualificatifs à l’Indien Modi.

Soutenu par Bernie Sanders

S’il répète la pensée paternelle, il a ajouté son sourire, son charisme, son expertise en réseaux sociaux, ses talents de rappeur et producteur hip-hop ainsi que son expérience personnelle de juriste auprès des mal-logés de New York. Tout cela explique l’engouement auprès des jeunes et le soutien de poids lourds de la gauche progressiste américaine, Alexandria Ocasio‑Cortez, la célèbre  AOC, la pasionaria pro-palestinienne Linda Sarsour et le sénateur Bernie Sanders. Car la victoire de Zharan Mamdani, c’est la victoire d’un parti démocrate progressiste sur un parti démocrate traditionnel tétanisé depuis la victoire de Trump. D’autres établiront peut-être les liens de ce courant progressiste avec un financement qatari dont l’importance n’est plus à démontrer.

Le discours de Zohran Mamdani convient aux mouvements juifs antisionistes  devenus très présents sur la scène américaine tels «Jewish Voice for Peace» ou «IfNotNow», sans compter probablement aux 30 000 familles Satmar de Williamsburg, sensibles aussi aux questions de loyers. Mais sa victoire a été aussi digérée, et parfois même soutenue, par des Juifs sionistes authentiques sensibles aux questions de justice sociale, très soucieux de paix et de morale et souvent aussi très hostiles à Benyamin Nétanyahou. Tels sont Chuck Schumer, leader de la minorité démocrate au Sénat et Jerry Nadler, inamovible représentant démocrate de Manhattan au Congrès, deux personnalités politiques juives majeures de New York qui, après sa victoire ont félicité Zohran Mamdani, certainement à contre-cœur, mais l’ont félicité quand même.

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Zahran Mamdani a bénéficié du soutien des jeunes, des mal-logés et de tous ceux qui voudraient un parti démocrate plus progressif et qui ont accusé Andrew Cuomo, l’ex-gouverneur de l’Etat de New York, longtemps en tête des sondages, de collusion avec les Républicains. M. Cuomo représentait d’autant plus le «vieux monde», celui des liens avec les syndicats plutôt qu’avec les jeunes, qu’il avait dû démissionner de ses fonctions de gouverneur à la suite d’accusations de harcèlement sexuel. Celles-ci n’ont finalement pas été retenues par la justice mais sa réputation en a été définitivement entachée, d’autant que c’est à l’Etat donc au contribuable new-yorkais de payer les 60 millions de dollars de frais de procédure. Cuomo sera malgré tout encore candidat en novembre sous un autre nom de parti mais ses chances seront très faibles. 

Ce sera aussi le cas du maire actuel Eric Adams, un policier noir dont l’arrivée à la Mairie représentait y a quatre ans une remarquable success story. Sa mandature a été mise à mal par une accusation de corruption liée à des passe-droits sur l’immeuble bâti pour la délégation turque à l’ONU, et sur lequel pesait l’exigence de Erdogan d’inauguration rapide, pour la session d’ouverture de l’ONU. Eric Adams qui n’a pas osé participer à la primaire démocrate se présentera en candidat indépendant, mais on ne donne pas fort de ses chances, même si toute procédure ici encore a été abandonnée, car sur lui pèse la suspicion d’avoir cédé à l’administration Trump et ses exigences d’expulsions en échange d’un non-lieu personnel.

Aussi bien Cuomo que Adams ont d’excellentes relations avec la communauté juive. Je le regrette pour mes amis New-Yorkais, mais je doute qu’il en soit de même pour Zahran Mamdani, désormais favori des sondages. Son élection apporterait une nouvelle fois la démonstration qu’une campagne axée sur d’âpres sujets économiques et sociaux, tels les bons alimentaires et les réductions d’abonnements de transports devient plus plaisante et plus mobilisatrice si elle s’effectue sous un couvercle de détestation d’Israël. Jean-Luc Mélenchon l’a bien compris.



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