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La reconnaissance prématurée d’un État palestinien: un risque pour la paix et la stabilité

Si la solution à deux États est souhaitable, ce n'est vraiment pas le moment !


La reconnaissance prématurée d’un État palestinien: un risque pour la paix et la stabilité
Paris, 13 juin 2025 © Eric Tschaen -Pool/SIPA

Officiellement, les frappes israéliennes en Iran ont conduit l’Élysée à repousser sine die la grande messe onusienne prévue ce 18 juin à New York, en présence du très influent prince héritier saoudien, Mohammed Ben Salman. Une rencontre au sommet durant laquelle Emmanuel Macron aurait pu franchir le Rubicon diplomatique en reconnaissant l’État palestinien. Officieusement, il s’agit sans doute d’un contretemps providentiel, tant cette conférence ressemblait à un exercice d’équilibrisme diplomatique périlleux sur le fil tendu du Proche-Orient. Reconnaitre un État dans lequel des otages israéliens sont toujours captifs serait une gifle pour Jérusalem.


Depuis le 7 octobre 2023, date de l’attaque brutale menée par le Hamas contre Israël, la question palestinienne a retrouvé une place centrale sur la scène internationale. Près de deux ans après cette tragédie, marquée par des actes de violence inouïe – viols, tortures, assassinats et enlèvements de plus de 1 400 Israéliens –, la France envisage de reconnaître unilatéralement un État palestinien. Bien que l’escalade actuelle entre l’Iran et Israël ait reporté la conférence sur ce sujet, le président Emmanuel Macron a redoublé d’efforts pour affirmer son intention de reconnaître un État palestinien. Une telle décision, portée par le président Emmanuel Macron, pourrait non seulement compromettre les perspectives de paix au Proche-Orient, mais également avoir des répercussions néfastes en France, en renforçant les mouvements islamistes radicaux. Cette démarche, bien qu’animée par des intentions diplomatiques, risque de récompenser la violence et d’affaiblir les chances d’une coexistence pacifique entre Israéliens et Palestiniens.

Nouvelle équation

L’attaque du 7 octobre 2023, orchestrée par le Hamas, visait à replacer la cause palestinienne au cœur des débats internationaux par un acte spectaculaire. Khalil al-Hayya, haut responsable du Hamas basé à Doha, l’a clairement expliqué au New York Times en novembre 2023 : « Il fallait changer l’équation tout entière, et pas seulement mener un affrontement. Nous avons réussi à remettre la question palestinienne sur la table, et aujourd’hui, personne dans la région ne connaît la tranquillité. » Selon lui, un « grand acte » était nécessaire pour empêcher la cause palestinienne de sombrer dans l’oubli. Malgré une légère baisse de popularité du Hamas en raison des souffrances causées par la guerre à Gaza, des sondages publiés en mai 2025 par le Centre palestinien pour la politique et les études montrent que le Hamas reste la faction la plus populaire. Près de la moitié des Palestiniens approuvent encore la décision du Hamas de lancer l’attaque du 7 octobre, et quatre Palestiniens sur cinq estiment que la « résistance armée » (c’est-à-dire le terrorisme) est le moyen le plus efficace pour obtenir un État. Face à cette réalité, une majorité écrasante d’Israéliens s’oppose désormais à la création d’un État palestinien, tandis que certains alliés traditionnels d’Israël, au lieu de condamner le terrorisme palestinien, ont choisi de sanctionner Israël, envoyant ainsi un message dangereux : la violence est une stratégie payante.

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Lors de l’effondrement de l’Union soviétique en 1990, la Communauté européenne avait établi des critères clairs pour la reconnaissance des nouveaux États d’Europe de l’Est. Ces critères incluaient le respect de l’État de droit, de la démocratie, des droits humains, des droits des minorités et de l’inviolabilité des frontières. Un État palestinien, dans les conditions actuelles, serait loin de répondre à ces exigences fondamentales. L’idéologie antisémite et djihadiste du Hamas est évidente, mais le rejet fervent de l’autodétermination juive et de l’État d’Israël est largement partagé au sein de la société palestinienne. Par le passé, les offres israéliennes de création d’un État palestinien ont échoué en raison du refus des dirigeants palestiniens de reconnaître les liens historiques des Juifs avec cette terre. En 2000, lors des négociations de Camp David, Yasser Arafat a stupéfié le président américain Bill Clinton en niant l’existence d’un temple juif à Jérusalem. En 2008, l’offre généreuse du Premier ministre israélien Ehud Olmert a été rejetée par Mahmoud Abbas, qui exigeait un « droit au retour » pour des millions de descendants des Arabes ayant fui la Palestine mandataire en 1948 – une revendication qui, en pratique, mettrait fin à la majorité juive en Israël. Même Benjamin Netanyahou, dans son discours de Bar-Ilan en 2009, avait accepté le principe d’un État palestinien, mais Abbas a refusé de négocier, déclarant qu’il ne reconnaîtrait jamais Israël comme un État juif.

Un État palestinien inenvisageable tant que la coexistence de deux peuples n’est pas entérinée

Tant le Fatah de Mahmoud Abbas que le Hamas considèrent les Juifs comme des envahisseurs coloniaux sans lien légitime avec la Palestine, comparant Israël à un royaume croisé voué à disparaître. Sans une réconciliation de la société palestinienne avec l’idée de coexister avec un État juif, un État palestinien deviendrait une plateforme pour une guerre perpétuelle. L’attaque du 7 octobre s’inscrivait dans une vision revancharde visant à inverser la défaite palestinienne de 1948. Reconnaître un État palestinien sans exiger de concessions de la part des Palestiniens ne ferait que renforcer leurs positions maximalistes.

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Les conséquences d’une reconnaissance prématurée par la France ne se limiteraient pas à la région du Proche-Orient. Selon des rapports récents du ministère français de l’Intérieur, la confrérie des Frères musulmans représente une menace pour la stabilité et la cohésion de la République. Certains suggèrent que la reconnaissance d’un État palestinien pourrait apaiser les électeurs musulmans et affaiblir l’attrait des Frères musulmans. Or, le Hamas est précisément la branche palestinienne de cette confrérie. Ali al-Qaradaghi, éminent érudit de l’Union internationale des savants musulmans, affiliée aux Frères musulmans, a émis une fatwa appelant tous les musulmans à mener un « djihad » contre Israël. Son prédécesseur, Yusuf al-Qaradawi, considérait la Palestine comme « la cause de chaque musulman ». En validant la stratégie du Hamas, la France risque de renforcer les forces islamistes radicales sur son propre territoire, augmentant ainsi l’influence des Frères musulmans.

La reconnaissance unilatérale d’un État palestinien par la France, bien que motivée par un désir de justice, risque de produire l’effet inverse de celui escompté. En récompensant la violence du Hamas, elle enverrait un message désastreux : le terrorisme est une voie légitime vers la reconnaissance internationale. Plutôt que de précipiter une décision symbolique, la France devrait exiger des réformes profondes au sein de la société palestinienne, notamment l’acceptation de l’existence d’Israël comme État juif et le rejet de la violence comme outil politique. Ce n’est qu’en posant ces conditions que la France pourra contribuer à une paix durable au Proche-Orient tout en préservant la cohésion et la sécurité de sa propre société. La voie vers la paix passe par la responsabilité, non par des gestes hâtifs qui risquent d’alimenter les extrémismes.



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